Posté le 01 décembre 2020
Par Yohann Goyat
Par Yohann Goyat
Romain De La Haye alias Molécule, producteur de musique électronique, a composé en 2017 son album -22,7°C dans une petite cahute d'un village inuit de Tiniteqillaq au Groenland. Aujourd'hui il a ce désir profond de partager son expérience unique du grand nord en lui donnant une dimension immersive projetée en 360° dans le dôme de la SAT (Société des Arts et Technologies) de Montréal. Une version interactive glaciale prometteuse, sur laquelle il travaille avec ses équipes depuis deux ans.
Il a fallu à Romain un an pour digérer cette expédition de six semaines. « Le temps d'analyser ce qui s'est passé, ce que j'en ai retenu, le pourquoi de ce voyage. C'était très marquant pour moi ce choc des cultures, du rapport au présent, d'une population inuit prise en étau entre ses traditions et la modernité. Il m'a fallu du temps pour digérer et que ça mûrisse » explique-t-il. La crise sanitaire de cette dernière année a poussé Romain à puiser dans ses souvenirs qui, comme ses émotions, sont restés intacts. « Ce projet est une manière pour moi d'écrire ma mémoire », ajoute-t-il.
Le froid immersif
Quand on pose la question à Romain de savoir si le froid est possible d'être perçu même en immersion sonore, il répond d'un oui franc avec un grand sourire. « Suite au voyage de huit heures en chien de traîneaux pour rejoindre le village inuit, je me suis rendu compte arrivé sur place que j'avais du matériel qui ne fonctionnait plus. Notamment ce synthétiseur qui génère depuis ce voyage une fréquence de 5951Hz ». Cette fréquence qu'il a utilisée comme titre de chanson de son album d'ailleurs, et qui lui évoque toujours ces températures négatives et à son écoute, le froid. « C'est une fréquence aiguë, plutôt fragile et en termes de son plus aiguisé et affûté que d'habitude », précise-t-il. Si pour le projet 60°43' Nord en pleine tempête, les harmonies étaient dissonantes et n'étaient pas tenues, là -22,7°C est un projet plus droit.
Au travers de ses différents projets immersifs et sonores de ces dernières années, Romain éprouve aussi une certaine fascination pour le sensoriel. « L'idée de partager et de communiquer des émotions fortes et intimes immersives m'anime. » Spatialiser le son du froid et du silence est possible et l'immersion visuelle du show donnera un impact fort à cette expédition. « J'ai cette idée d'utiliser chaque technologie pour ce qu'elle a de bon et de fort », dit-il.
Silence, le pouvoir de l'écoute
Pour tout musicien, le silence est un thème paradoxal. Cette expédition dans le grand nord a été un moment marquant dans la vie de l'artiste. Se retrouver au milieu de nulle part avec pour seul horizon les glaciers et la banquise lui a fait prendre conscience de beaucoup de choses. « Le silence amène à des questions métaphysiques, à la question de la vie, de la vibration. Savoir comment un son se crée, lié à du mouvement, à des énergies, à la vie en somme. Le silence n'existe pas! » Ces immensités sont à la fois silencieuses et bruyantes explique Romain, « c'est un lieu où tout paraît en mouvement, mais à la fois tout est figé, c'est très paradoxal », ajoute-t-il.
Dans ces grands espaces immaculés et silencieux, le pouvoir de l'écoute est devenu avec le temps un sujet central. « Parfois je l'ai expérimenté par des états presque de transe. Je rentre en connexion avec ce qui a de plus profond », décrit-il avec beaucoup de recul. Cette expédition est parue à ses yeux comme une sorte de thérapie personnelle et de remise en question. « Le silence c'est se mettre dans un état de concentration, d'écoute, avec une attention extrême », ajoute-t-il. Le but de cette retranscription immersive sera aussi de faire naître des réflexions et des prises de conscience à chacun des spectateurs.
Immersion et interaction
Pour ce projet -22,7°c, Romain travaille aux côtés de Figure 55 (boîte de production québécoise qui développe et produit du contenu audiovisuel) et Dirty Monitor (compagnie belge de production 3D, mapping, video, vijing) afin de rendre plus vrai que nature les images comme les sons. « Le point d'orgue est mis sur le détail de chacune des images et des sons afin de faire vivre au mieux l'expérience aux spectateurs », ajoute-t-il. « Faire entendre les craquements de la banquise, le souffle du vent, la glace qui brise. Sans oublier la modélisation des paysages, la création d'un univers et de sensations. »
Cette expédition au Groenland a un potentiel immersif énorme collant parfaitement à l'idée de la retranscrire dans un dôme en immersion totale. « Une première version est déjà prête, mais avec Dirty Monitor nous travaillons sur une V.2 (version 2) afin de rendre l'expérience immersive, mais aussi interactive. Une possible version live pourrait voir le jour. Nous travaillons là-dessus. » L'occasion aussi pour l'artiste de renouer et de magnifier le lien qui unit l'homme à la nature en rendant cette immersion vivante.
Une dimension militante
-22,7°C est aussi un pied de nez à l’absence d'engagement concret de la part des classes politiques quant à la préservation de l'environnement et de notre planète. Ce titre devrait interpeller et être perçu comme un cri d'alarme. « Au Groenland, cette température n’est clairement pas habituelle. C’est le plus bas enregistré en six semaines, pour une moyenne de -10°c », s'indigne Romain. Au travers de cette œuvre artistique grand public, le producteur ne cache pas le côté militant sous-jacent de l’œuvre : « C'est ma manière de faire passer des messages de manière artistique de par mon parcours musical, plutôt qu'un message frontal de telle ou telle cause ». « Une idée d'être humble et de constater que l'homme n'est pas grand-chose face à une nature dans toute son expression. » « Le Groenland est une région où le réchauffement climatique se voit et s'entend plus qu'ailleurs. -22,7°C est aussi un témoignage. », conclut-il.
Ce projet « lourd et ambitieux » devrait voir le jour d'ici le printemps 2021 dans le dôme de la SAT de Montréal, si tout va bien. Des premiers essais concluants ont déjà été effectués et Romain se dit impatient d'expérimenter le dôme, et de partager avec le public cette région du globe qui l'aura bousculé et fasciné par sa pureté et sa beauté à la fragilité inégalée.
Il a fallu à Romain un an pour digérer cette expédition de six semaines. « Le temps d'analyser ce qui s'est passé, ce que j'en ai retenu, le pourquoi de ce voyage. C'était très marquant pour moi ce choc des cultures, du rapport au présent, d'une population inuit prise en étau entre ses traditions et la modernité. Il m'a fallu du temps pour digérer et que ça mûrisse » explique-t-il. La crise sanitaire de cette dernière année a poussé Romain à puiser dans ses souvenirs qui, comme ses émotions, sont restés intacts. « Ce projet est une manière pour moi d'écrire ma mémoire », ajoute-t-il.
Le froid immersif
Quand on pose la question à Romain de savoir si le froid est possible d'être perçu même en immersion sonore, il répond d'un oui franc avec un grand sourire. « Suite au voyage de huit heures en chien de traîneaux pour rejoindre le village inuit, je me suis rendu compte arrivé sur place que j'avais du matériel qui ne fonctionnait plus. Notamment ce synthétiseur qui génère depuis ce voyage une fréquence de 5951Hz ». Cette fréquence qu'il a utilisée comme titre de chanson de son album d'ailleurs, et qui lui évoque toujours ces températures négatives et à son écoute, le froid. « C'est une fréquence aiguë, plutôt fragile et en termes de son plus aiguisé et affûté que d'habitude », précise-t-il. Si pour le projet 60°43' Nord en pleine tempête, les harmonies étaient dissonantes et n'étaient pas tenues, là -22,7°C est un projet plus droit.
Au travers de ses différents projets immersifs et sonores de ces dernières années, Romain éprouve aussi une certaine fascination pour le sensoriel. « L'idée de partager et de communiquer des émotions fortes et intimes immersives m'anime. » Spatialiser le son du froid et du silence est possible et l'immersion visuelle du show donnera un impact fort à cette expédition. « J'ai cette idée d'utiliser chaque technologie pour ce qu'elle a de bon et de fort », dit-il.
Silence, le pouvoir de l'écoute
Pour tout musicien, le silence est un thème paradoxal. Cette expédition dans le grand nord a été un moment marquant dans la vie de l'artiste. Se retrouver au milieu de nulle part avec pour seul horizon les glaciers et la banquise lui a fait prendre conscience de beaucoup de choses. « Le silence amène à des questions métaphysiques, à la question de la vie, de la vibration. Savoir comment un son se crée, lié à du mouvement, à des énergies, à la vie en somme. Le silence n'existe pas! » Ces immensités sont à la fois silencieuses et bruyantes explique Romain, « c'est un lieu où tout paraît en mouvement, mais à la fois tout est figé, c'est très paradoxal », ajoute-t-il.
Dans ces grands espaces immaculés et silencieux, le pouvoir de l'écoute est devenu avec le temps un sujet central. « Parfois je l'ai expérimenté par des états presque de transe. Je rentre en connexion avec ce qui a de plus profond », décrit-il avec beaucoup de recul. Cette expédition est parue à ses yeux comme une sorte de thérapie personnelle et de remise en question. « Le silence c'est se mettre dans un état de concentration, d'écoute, avec une attention extrême », ajoute-t-il. Le but de cette retranscription immersive sera aussi de faire naître des réflexions et des prises de conscience à chacun des spectateurs.
Immersion et interaction
Pour ce projet -22,7°c, Romain travaille aux côtés de Figure 55 (boîte de production québécoise qui développe et produit du contenu audiovisuel) et Dirty Monitor (compagnie belge de production 3D, mapping, video, vijing) afin de rendre plus vrai que nature les images comme les sons. « Le point d'orgue est mis sur le détail de chacune des images et des sons afin de faire vivre au mieux l'expérience aux spectateurs », ajoute-t-il. « Faire entendre les craquements de la banquise, le souffle du vent, la glace qui brise. Sans oublier la modélisation des paysages, la création d'un univers et de sensations. »
Cette expédition au Groenland a un potentiel immersif énorme collant parfaitement à l'idée de la retranscrire dans un dôme en immersion totale. « Une première version est déjà prête, mais avec Dirty Monitor nous travaillons sur une V.2 (version 2) afin de rendre l'expérience immersive, mais aussi interactive. Une possible version live pourrait voir le jour. Nous travaillons là-dessus. » L'occasion aussi pour l'artiste de renouer et de magnifier le lien qui unit l'homme à la nature en rendant cette immersion vivante.
Une dimension militante
-22,7°C est aussi un pied de nez à l’absence d'engagement concret de la part des classes politiques quant à la préservation de l'environnement et de notre planète. Ce titre devrait interpeller et être perçu comme un cri d'alarme. « Au Groenland, cette température n’est clairement pas habituelle. C’est le plus bas enregistré en six semaines, pour une moyenne de -10°c », s'indigne Romain. Au travers de cette œuvre artistique grand public, le producteur ne cache pas le côté militant sous-jacent de l’œuvre : « C'est ma manière de faire passer des messages de manière artistique de par mon parcours musical, plutôt qu'un message frontal de telle ou telle cause ». « Une idée d'être humble et de constater que l'homme n'est pas grand-chose face à une nature dans toute son expression. » « Le Groenland est une région où le réchauffement climatique se voit et s'entend plus qu'ailleurs. -22,7°C est aussi un témoignage. », conclut-il.
Ce projet « lourd et ambitieux » devrait voir le jour d'ici le printemps 2021 dans le dôme de la SAT de Montréal, si tout va bien. Des premiers essais concluants ont déjà été effectués et Romain se dit impatient d'expérimenter le dôme, et de partager avec le public cette région du globe qui l'aura bousculé et fasciné par sa pureté et sa beauté à la fragilité inégalée.