Posté le 24 février 2021
Par Yohann Goyat |
EP : 303 Diary
Sortie : 29 Mars 2021 Label : NAHAL Recordings Pays : France |
Ben Shemie, membre du groupe canadien SUUNS, continue ses tribulations sonores en solo avec la sortie de l'EP intitulé 303 Diary, sur le label français NAHAL recordings. Un nouveau projet articulé autour du synthétiseur/séquenceur TB-303 dont il a fait l'acquisition durant le début de pandémie en 2020. L'artiste livre un travail très personnel, sur lequel il invite pour la première fois une musicienne. Ben Shemie a voulu au travers de ce voyage musical revisiter l'histoire du TB-303, mais aussi d'explorer de nouveaux horizons sonores. Il nous raconte l'histoire derrière ce nouveau projet si introspectif pour lui.
B.T.P : En quoi la sortie de ce nouvel EP est si importante pour toi cette année? BEN SHEMIE – 303 Diary est une sorte de journal intime. Je l'ai composé en peu de temps dans une chambre d'hôtel entre Paris et Montréal en 2020. Il fallait qu'il sorte relativement rapidement, car cet EP a été conçu pendant la pandémie et reflète en tout point de vue cette période intense. J'ai voulu le sortir vite aussi afin de transmettre ces énergies et ce que j'ai ressenti au moment présent. B.T.P : Le choix du label NAHAL Recording est-il un choix artistique délibéré? BEN SHEMIE – Oui! NAHAL c'est avant tout des amis. Quand j'ai fini le mix et le mastering à Montréal, de retour à Paris j'ai rejoint Frédéric, l'un des dirigeants du label que je connais bien, afin de mettre la touche finale à l'EP. C'est là qu'il m'a confié et confirmé que NAHAL était en mesure de le sortir le plus vite possible. Cependant la sortie prend toujours un peu plus de temps quand il s'agit de la production de vinyle. B.T.P : Que représente pour toi le synthétiseur/séquenceur TB-303? BEN SHEMIE – C'est un synthétiseur iconique! On l'entend partout dans les styles pop et électronique et bien souvent associé au mouvement musical acid/techno de la ville américaine de Détroit. Avec ce nouveau projet, je voulais limiter mon vocabulaire musical dans le sens sonique. Ce synthétiseur n'est pas forcément associé au chant dans un premier temps et je voulais faire de cet instrument la pierre angulaire de mon EP. C'est plus bass ou mélodique en temps normal, donc très limité dans son utilisation et ça m'a ouvert de nouvelles façons de créer. Quand tu as moins d'options créatives, ça ouvre d'autres possibilités et me concernant, ça m'a poussé à être plus créatif autour de l'utilisation du TB-303. B.T.P - Comment la scène de Detroit a influencé ta carrière? BEN SHEMIE - Dans la scène musicale de Détroit, il y'a un côté intellectuel et scientifique extrême qui m'a plus rapproché de cette scène. Il existe un aspect très minimaliste émanant de cette scène à l'image de Richie Hawtin et son projet Plastikman. Le TB-303 représente la mélodie ou la ligne de basse et parfois une chanson peut être composée uniquement comme ceci. C'est ce minimalisme qui m’intéresse, c'est une expérience viscérale pour moi. Ma musique est grandement influencée par cette démarche. Le label WARP à ses débuts avec Squarepusher et Aphex Twin a été pour moi une grande source d'inspiration, et ce sont des artistes comme eux qui m'ont ouvert les yeux (et les oreilles) sur cet aspect minimaliste de la musique électronique. B.T.P – Pourquoi avoir invité une musicienne sur ce projet? BEN SHEMIE - J'ai beaucoup travaillé seul sur mes projets, car je suis une personne de nature introvertie. Avec le groupe SUUNS, on tourne beaucoup et l'effervescence autour du groupe peut être parfois intense. Cependant l'interaction avec les gens génère les idées. Le contact humain me rend créatif, l'échange avec d'autres personnes du milieu artistique nous fait évoluer et aborder notre côté créatif différemment. Et malheureusement cette dernière année les contacts sociaux ont été très (trop) réduits, et j'avais besoin d'humaniser ma musique un minimum. Didem Basar est une amie musicienne turque et les sonorités orientales de l'instrument dont elle joue, me ramenait à mon enfance. B.T.P - Comment les sonorités orientales sont intervenues dans ta musique? BEN SHEMIE – Mon père est originaire de Bagdad en Irak, j'ai baigné dans ce style musical très jeune, mais je ne l'ai pas pour autant apprécié à cette époque. C'est en 2015 avec le projet SUUNS and Jerusalem in my heart que j'ai commencé à collaborer avec des musiciens du Moyen-Orient. J'ai découvert avec le temps toute la complexité et à la fois le minimalisme qui caractérisaient cette musique. Dans les mélodies d'un Moyen-Orient, il y a une complexité subtile qui m’intéresse énormément. Cette musique est très linaire avec ses variations qui l'accompagnent. Mon oreille est plus attirée sur une ligne musicale qui évolue plutôt que des accords qui changent en permanence. Le lien avec ce vocabulaire musical se traduit très bien avec la musique électronique. Il y a quelque chose de complémentaire dans les deux styles. B.T.P : Est-ce que le fait de collaborer avec une musicienne était une manière d'humaniser cet EP et l'histoire qui l'entoure? BEN SHEMIE – Oui, comme je l'ai dit la dernière année socialement a été très difficile et j'avais besoin de reconnecter avec le monde. J'avais cette forte intuition que le cithare, instrument dont Didem joue depuis de nombreuses années, fusionnerait très bien aux sonorités électroniques du TB-303, pour autant je ne connaissais pas beaucoup cet instrument. L'expérience de partage et de collaboration autour de ce titre était fort et important à ce moment-là. J'ai longtemps travaillé seul, mais là je ressentais la puissance d'avoir quelqu'un avec moi. Ce besoin de partage s'est décuplé à cause de l'isolation sociale qui nous a été imposée. B.T.P – Est-ce que les prochaines sorties solo verront apparaître plus de collaborations? BEN SHEMIE – Je travaille actuellement avec la DJ Chloé sur un projet, mais ça reste toujours dans la tendance électronique. À vrai dire, ce n'est pas tant les collaborations qui m’intéressent, mais plus l'idée de comment travailler avec tel ou tel instrument quand je suis en solo. Diary 303 est l'exemple même de l'instrument avec lequel j'avais vraiment le désir de découvrir et produire. Actuellement je travaille avec un quatuor à Montréal, mais ce n'est que les débuts. Mes inspirations viennent avec l'écoute de musique alors j'attends la prochaine vague. |